L’expertise judiciaire en droit de la construction : à quoi ça sert ?

À quoi sert l’expertise judiciaire en droit de la construction ? 

Lorsque surviennent des litiges en droit de la construction, l’expertise judiciaire se présente comme un outil majeur de la procédure. Au cœur des contentieux liés aux travaux et à l’édification de bâtiments, elle vise à apporter une lumière neutre et technique sur des situations complexes, afin de permettre aux instances judiciaires de statuer et de résoudre le conflit en toute connaissance de cause. Ordonnée par un juge, elle permet d’évaluer les éventuels désordres qui affectent une construction et d’apporter des éléments techniques qui permettent, ensuite, d’établir des responsabilités. Que vous soyez maître d’ouvrage, acquéreur ou professionnel de la construction, vous vous demandez sûrement à quoi sert exactement l’expertise judiciaire en droit de la construction. Contrairement à ce que l’on peut penser, son rôle va bien au-delà d’un simple mécanisme de diagnostic. Explications.

 

L’expertise judiciaire en droit de la construction : qu’est-ce que c’est ?

L’expertise judiciaire est une procédure encadrée par le Code de procédure civile. Elle consiste, pour le juge, à désigner un expert indépendant afin qu’il évalue et analyse les aspects techniques d’un litige relatif à des travaux de construction et rende un rapport détaillé et impartial. Son objectif est en effet d’apporter un éclairage factuel et objectif sur les désordres constatés, leurs causes possibles, et les responsabilités éventuelles des parties concernées. L’expertise judiciaire est particulièrement indiquée en présence de problématiques complexes où les enjeux techniques dépassent les compétences des magistrats : 

 

  • malfaçons ; 
  • vices cachés ; 
  • défauts de conformité ; 
  • retards de livraison ; 
  • problèmes de structure ou d’isolation ;
  • etc.

Bon à savoir :

Les expertises judiciaires sont diligentées par le juge, mais elles peuvent être demandées tant par le maître d’ouvrage (propriétaire ou promoteur, syndicat des copropriétaires) que par l’entrepreneur ou le constructeur voire même les assureurs.

L’expertise judiciaire : un outil d’aide à la décision du juge

L’expertise judiciaire est une mesure ordonnée soit par le juge des référés, soit par un juge dans le cadre d’une procédure judiciaire au fond en cours. En droit de la construction, elle intervient lorsqu’un différend technique ne peut être tranché sans l’avis d’un expert impartial et qualifié. L’expert ne statue pas sur le litige, son objectif principal est de fournir au juge les éléments techniques et objectifs nécessaires à sa résolution.

Une fois désigné, l’expert judiciaire mène une analyse approfondie des désordres signalés, en s’appuyant sur des investigations sur site, l’examen des documents contractuels et l’audition des parties. 

Le saviez-vous

L’expertise judiciaire est soumise au principe du contradictoire : chaque partie a le droit d’être entendue, de présenter des observations et de formuler des demandes complémentaires auprès de l’expert.

Le rapport d’expertise joue un rôle déterminant dans l’issue du litige. En effet, bien que le juge ne soit pas tenu de suivre ses conclusions, il s’appuie généralement sur elles pour motiver sa décision. L’analyse technique fournie permet en effet de clarifier les responsabilités des parties et de proposer des solutions adaptées.

L’expertise judiciaire est essentielle pour plusieurs raisons : 

  • elle apporte un éclairage technique impartial : l’expert judiciaire est un professionnel indépendant dont l’analyse permet d’établir objectivement les faits ; 
  • elle constitue une base solide pour la décision du juge : en apportant des éléments concrets et techniques, l’expertise oriente souvent la résolution du litige ;
  • elle peut être un levier vers une solution amiable : dans certains cas, les conclusions de l’expert permettent aux parties de négocier un accord sans qu’il ne soit nécessaire d’aller jusqu’au jugement.

Cependant, il est essentiel d’anticiper certains points :

  • les opérations d’expertise peuvent se dérouler sur plusieurs mois, en raison du temps nécessaire aux analyses et aux réunions contradictoires ; 
  • les frais d’expertise peuvent être conséquents et sont, en règle générale, avancés par la partie qui en a fait la demande.

Le saviez-vous

Les frais d’expertise, considérés comme des dépens au sens de l’article 695 du Code de procédure civile, peuvent être mis à la charge de la partie succombante conformément à l’article 696, sauf décision contraire du juge. 

La procédure d’expertise judiciaire : comment ça se passe ?

La procédure débute généralement par une demande d’expertise formulée par l’une des parties au juge, souvent dans le cadre d’une assignation en référé. Elle peut l’être également sur requête, dans le cadre d’un référé préventif, ou devant le juge de la mise en état. Une fois l’expertise ordonnée, le juge nomme un expert dont la mission est précisément définie. En effet, l’ordonnance qui désigne l’expert fixe les limites de sa mission : analyser les faits, constater les désordres, rechercher leur origine, déterminer les imputabilités, évaluer les réparations nécessaires et estimer les coûts engendrés. 

 

La procédure d’expertise judiciaire en droit de la construction se déroule ensuite en plusieurs étapes clés.

1. La réunion contradictoire

Une fois missionné, l’expert convoque les parties pour préciser le cadre de son intervention et le calendrier des opérations. L’objectif est également de permettre à chacun d’apporter des éléments et d’exprimer ses arguments. C’est un moment clé pour défendre son point de vue. 

Bon à savoir :

L’avocat joue un rôle essentiel à ce stade. Il accompagne et conseille son client sur la stratégie à adopter et les éléments de preuve à avancer.

2. L’analyse technique et les investigations

En présence des parties, l’expert effectue une ou plusieurs visites sur site pour effectuer des investigations techniques approfondies, constater les désordres et évaluer leurs causes. 

Les parties ont la possibilité de présenter leurs observations tout au long du processus.

Le saviez-vous ?

Si besoin et si sa mission le prévoit, l’expert judiciaire peut s’adjoindre l’aide d’un sapiteur, c’est-à-dire un technicien qui dispose d’une compétence particulière dans un domaine spécifique, afin d’affiner son analyse. Par exemple, dans le cadre d’un litige qui porte sur des fissures structurelles, un expert en bâtiment peut faire appel à un ingénieur en génie civil pour examiner la stabilité de l’ouvrage et identifier les causes du désordre.

3. Le pré-rapport et les observations des parties

Avant de remettre son rapport définitif, l’expert soumet un pré-rapport et permet aux parties de formuler toutes remarques et contestations.

4. Le rapport d’expertise

Après analyse, l’expert rédige un rapport définitif détaillé qui est soumis au juge. Pièce maîtresse de la procédure, il contient les constatations, les analyses et les conclusions de l’expert. 

 

Cas pratiques : quand l’expert judiciaire en droit de la construction fait la différence

La jurisprudence regorge de décisions de justice qui illustrent le rôle des expertises judiciaires en droit de la construction : 

 

  • Responsabilité de l’expert judiciaire en cas d’erreurs d’appréciation : dans un arrêt du 18 janvier 2023, la Cour de cassation a rappelé que l’expert judiciaire peut engager sa responsabilité lorsque ses erreurs causent un préjudice aux parties. ​(Cass. Civ 3ème, 18 janvier 2023, n° 21-22.214)
  • Portée limitée de l’expertise amiable : par un arrêt du 14 mai 2020, la Cour de cassation a confirmé qu’une expertise amiable, même réalisée contradictoirement, ne suffit pas à démontrer la réalité d’un désordre sans autres éléments de preuve. (Cass. Civ 3ème, 14 mai 2020, n° 19-16.278)
  • Limitation de la mission d’expertise judiciaire aux désordres invoqués : dans un arrêt du 11 juillet 2024, la Cour de cassation a précisé que la mission de l’expert judiciaire doit être limitée aux malfaçons et désordres expressément invoqués par les maîtres de l’ouvrage. ​(Cass. Civ 3ème, 11 Juillet 2024, n° 23-13.380)

 

Se préparer à une expertise judiciaire : les bons réflexes

Constituer un dossier complet

Avant l’expertise, il est primordial de réunir tous les documents utiles :

  • contrats et devis ; 
  • plans et descriptifs techniques ; 
  • courriers et échanges avec les parties adverses ; 
  • photos des malfaçons constatées ; 
  • procès-verbal de constat de commissaire de justice.

 

Faire appel à un avocat en droit de la construction

L’avocat en droit de la construction vous conseille la meilleure approche en fonction des spécificités du litige. Son expertise permet d’anticiper les enjeux techniques et juridiques, de veiller au respect du contradictoire et de formuler des observations précises et pertinentes durant les opérations d’expertise afin de défendre au mieux les intérêts de son client.

 

L’expertise judiciaire en droit de la construction est un outil essentiel pour résoudre les litiges complexes. Malgré une procédure parfois longue et coûteuse, elle permet une analyse détaillée et impartiale de nature à clarifier la situation et à établir les responsabilités. Ces éléments sont en effet essentiels pour trancher le litige et statuer sur les demandes d’indemnisation. Toutefois, solliciter et participer à une expertise judiciaire en droit de la construction nécessite d’être conseillé et assisté. Notre cabinet vous accompagne à chaque étape du processus, de la demande d’expertise à l’interprétation du rapport. Pour une consultation personnalisée, contactez-nous !